du
21
juin
2003
au
20
septembre
2003
Le soir du solstice, on dévoilera solennellement l’oeuvre
du titan Alain Gielen. Comme un artificier, voilà des mois qu’il orchestre dans
la gigantesque matrice de la grange de la Ferme-Asile cette explosion de
couleurs, de traits, de formes et de volumes qu’il portait impatiemment en lui
depuis si longtemps. Au plus froid de l’hi ver, Gielen a suspendu son
échafaudage entre deux fermes, fixé son papier à une large tringle de fer qu’il
a fallu ensuite arrimer aux poutres. Quatre mètres sur quatre, puis douze
mètres sur quatre. Voilà, il l’a installé maintenant, son ring de boxe à deux
dimensions, ce lieu de tous ses combats contre le froid, contre l’im mensité
vierge, contre son trac. C’est plus que l’instant de vérité. La date de l’expo est
arrêtée au solstice plus de place pour les questions, ou les doutes. Et
soudain, nous avons tous assisté, éblouis, à la danse d’Alain Gielen, Nous
l’avons vu trouver le personnage central, ce Fils de l’Homme, insaisissable
autant qu’omniprésent. Celui qui donne sa mesure à toutes les compositions,
qu’elles se nomment Cène ou Chemin de Croix. Puis, tout s’est enchaîné très
vite. Avec jubilation, Alain Gielen poursuivait. Des hommes, des femmes,
beaucoup de femmes, variation infinie autour d’un être unique adoré, caressé,
connu par coeur et par corps. Puis, avec son chiffon, il a tout effacé non pas
pour recommencer, mais pour venir avec mes cou leurs comme il dit. Les
personnages d’abord, le fond ensuite. Et la danse a repris. Jaune, la lumière.
Des cernes comme des auréoles posées partout où il le faut. Puis, le chef
d’orchestre a pris deux larges pinceaux, un rouge, un vert : feu et vie, un dans
chaque main. Et il a allumé en cadence. Noir. Pause. Outre-mer, mauve, brun, orange,
bleu pétrole, rose, avant le grand silence. La lumière intérieure du vitrail a jailli,
feu sacré dévorant ce diable d’homme qui flambe et nous inonde de son infinie
joie de peindre. Lorsqu’il eut terminé le dessin de sa grande Cène, hommage à Véronèse,
les douze panneaux du Chemin de Croix étaient terminés. Et ses person nages
invités au dernier repas lui parurent si pleins et si émouvant cet instant de création,
qu’il s’est arrêté, le peintre. Peut-être pour qu’en contemplant ces figures nous
puissions l’être... un peu. Alors, il est descendu dans la cour, et il s~est
attaqué à ses sculptures plus grandes que nature. Mais de celles-là, je ne vous
dirai rien. Elles vous regarderont sans leur tête et vous étreindront sans
leurs bras. Elles vous parleront d’elles-mêmes de la splendeur et de la misère
de l’homme.