La Première du film Plans-fixes consacré à Irma Dütsch, dans la grange de la Ferme-Asile!
Programme :
18h : présentation du concept des Plan-fixes par la coprésidente de l’Association Films Plans-Fixes Roselyne Grob
18h10 : projection du film (50')
19h : discussion et questions avec Irma Dütsch et Jacques Poget, son interlocuteur dans le film
Première femme suisse à avoir reçu une étoile au Guide Michelin, Irma Dütsch a fait du Waldhotel Fletschhorn, à 1800 mètres d’altitude, un restaurant gastronomique connu dans le monde entier. Le Fletschhorn ? « Un coin perdu » avec vue sur des sommets tutoyant les 4000, à une trentaine de minutes de Saas-Fee. Du blanc, encore du blanc et une incroyable solitude.
C’est son mari, d’origine thurgovienne et fin spécialiste des vins du Valais, qui acquit en secret ce qui fut jadis une cabane de douaniers, puis un café et une auberge de jeunesse. Avant de devenir l’écrin de l’une des plus grandes tables du monde.
Lorsque, surprise, Irma Dütsch découvre le lieu, ses « deux filles à la main », de retour de Montréal, San Francisco et Mexico où elle avait pratiqué son métier, elle fut littéralement effondrée. Mais là où d’autres auraient renoncé, après quelques jours de réflexion, la voici qui se lance dans l’aventure. Elle durera 32 ans et a débuté par l’élaboration d’une tarte Tatin !
Cheveux ras, toute de noir vêtue (merci, Christa de Carouge), celle qui fut cuisinière de l’année en 1994 a su créer dans son restaurant une ambiance de famille. Essentielle, l’atmosphère car, pour Irma, tout commence par l’accueil, l’attention portée à des hôtes dont la plupart venaient de très loin et qu’il lui est arrivé d’emmener en randonnée alpestre.
L’art de la table ? Le plaisir festif de recevoir et… l’écoute que la
cuisinière porte à ses aliments. Car, révèle-t-elle dans ce
Plans-Fixes, « les aliments parlent ». Pour être sûre d’être bien
comprise, elle ajoute que « la cuisine, c’est « plus que des recettes »,
en précisant que « la sauce est l’âme d’un plat. » En voici
quelques-uns qui ont fait sa réputation : la tarte de Zoug, la poularde
au foin, la grande truite du lac de Bienne, le riz à l’impératrice, une
mousse au chocolat… Mais, dans ce Plans-Fixes qui relate cette
formidable aventure, Irma Dütsch ne lève que timidement le voile sur ses
secrets de fabrication. C’est qu’il y a des livres pour ça et qu’elle
en a écrit beaucoup. Pour n’en citer qu’un, recommandons « Les Festins
d’Irma Dütsch », paru en 2013 (*), ouvrage dans lequel elle célèbre,
s’inspirant de recettes traditionnelles revisitées, 18 fêtes marquant
une année, de Noël à la Saint-Sylvestre sans oublier Pâques et…la
Bénichon.
Ah ! la Bénichon, retour aux sources : naissance en Gruyère, à
Estavannens, au sein d’une famille paysanne de 7 enfants. Dans cette
joyeuse tribu, elle apprend le partage, le sens du travail 7 jours sur
7, l’importance des produits et de la tradition, toutes qualités bien
utiles lorsqu’on dirige une brigade de 20 cuisiniers. Avec sa mère,
maîtresse d’école ménagère, elle fait le pain et la cuchaule, s’initie
aux mystères de la cuisson. Très vite, très jeune, à 4 ou 5 ans, elle
rêve de devenir cuisinière. Adolescente, elle fréquente le Technicum de
Fribourg, « dirigé par des bonnes sœurs » et s’y ennuie. Elle décide
alors de se mettre en quête d’une place d’apprentissage de cuisinière.
Inutile d’insister en Suisse romande : « Pas de femmes en cuisine ! » et
c’est finalement à Rheinfelden, sur les rives du Rhin, qu’elle sera
sacrée première cuisinière diplômée de Suisse !
Irma Dütsch a aujourd’hui remis son restaurant. L’imaginez-vous à la retraite ? Vous n’y êtes pas, c’est une expression et un état qu’elle ne connaît pas ! Aussi, avec un peu de chance, la retrouverez-vous, toujours audacieuse et inventive, sur des bateaux de croisière ou à Moscou, Singapour et Tokyo. Conseillère-consultante avec le souci de transmettre son savoir parce que, dit-elle simplement, « la vie continue. »
A la question de Jacques Poget : « Le fait de considérer qu’une grande partie de votre vie est derrière vous, cela vous laisse-t-il une amertume ? » Irma Dütsch a cette jolie réponse : « Bien sûr que tu es toujours triste de voir que les années avancent mais je pense qu’il y a une lumière. J’espère mourir en bonne santé et, surtout, avant mon homme. Je pense que, là-haut, il y a beaucoup de monde qui m’attend et me prépare un grand repas. Il y aura de l’opéra (qu’elle aime tant) et du vieux jazz. Quand j’arriverai là-haut, je serai la princesse. »
Ce qu’elle a toujours été.
Patrick Ferla